Souvenir lumineux

Je me souviens essentiellement de la lumière dorée sur les roses du jardin. Il y avait une balançoire aussi. Un vieux portique en métal vert foncé, peut-être bronze… Je n’en sais rien. En fait, c’était certainement un ajout de mon esprit, une occupation que j’aurais aimé y trouver. Pourquoi mettrait-on une vieille balançoire dans le parc d’une maison de retraite ?

Je me souviens de la lumière sur les roses, anglaises évidemment, ça, je suis à peu près sûre de ne pas l’avoir imaginée. Quoi que…

Je me souviens du carrelage du rez-de-chaussée. Un large couloir et la lumière toujours dorée qui tombait presque à l’oblique sur les carreaux peints. Les arabesques de bruns, d’ocres, de blancs. Ce souvenir-là aussi est douteux. Pourquoi prendrait-on la peine de poser des grès décorés sur le sol d’un asile de vieux ? Et puis ce couloir large qui longeait le jardin… Étrangement, il ressemble au couloir de mon école primaire. Sauf que je suis à peu près sûre qu’à l’école, le carrelage était noir et blanc. Presque. Pas orné d’arabesques en tout cas. Non, les arabesques, il y en a sur les carreaux de la cour de la maison de ma grand-mère. Mais ce ne sont pas les mêmes que celles de mes souvenirs.

Je me souviens des arabesques, mais c’est sans doute un amalgame de plusieurs réalités. Et cette lumière dorée de fin d’après-midi. Comme si tous mes souvenirs étaient liés à cette impression de fin d’automne lumineuse et chaude. Juste avant l’hiver. Une dernière fois…

Je me souviens de la chambre, à l’étage. La lumière y était bleutée. Pas froide, c’est une sorte de nuage de bleu chaud et doux. Je me souviens d’un pied de lit, sans doute médicalisé, des cadres de photos, peut-être une armoire miel dans un coin, une plante ? Non, dans mes souvenirs c’est un vieux bouquet de fleurs séchées. Aucune odeur, pourtant entre les roses, le sol astiqué du couloir et les soins médicaux, il devaient bien y en avoir, mais je ne me souviens que de la lumière dorée sur les pétales de roses, le jardin luxuriant, le portique, le carrelage du couloir… je me souviens même pas de l’escalier, du couloir de l’étage, ni de la porte. Et je suis dans ce cocon bleu mêlé de chaleur.

Je ne me souviens pas de son visage, ni de sa voix. Non, juste la lumière bleutée qui décline doucement. Une dernière fois…

Texte publié pour la première fois en 2011.

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