Des nouvelles

Je n’ai rien écrit ici depuis Janvier. Un bel article pour m’indigner, dire que je fermerai pas ma gueule et puis plus rien. Ironique, non ?

Mais voilà, j’ai pas l’esprit à continuer ce blog « dans un but purement d’écrivain ». J’ai commencé à bloguer bien avant ce site, d’ailleurs, ici, au début, c’était juste un nouveau blog sur tout et n’importe quoi (recettes de cuisine &co, cherchez pas, j’ai viré tout ça l’année dernière). Parce qu’en ce moment, j’ai des soucis, des trucs imprévus : machine à laver qui tombe en panne, puis c’est la chaine hifi, puis le volet roulant coincé, la balance de cuisine qui déconne, la voiture qui fuit de partout, mes plantes qui se sont chopées un truc (des araignées ? un champignon ? enfin, elles crèvent toutes les unes après les autres quoi), l’impétigo du petit qui refuse de partir, les 3 kg que j’ai pris depuis le début de l’hiver, l’impression d’étouffer, physiquement et moralement, sous les corvées, les affaires, les imprévus.

Parce que je ne me sens plus du tout non plus dans cette histoire d’autopublication (je vous épargne, pour l’instant, le couplet sur le fait que c’est pas forcément une bonne chose pour un auteur), parce que je n’ai rien écrit depuis novembre (le Camp NaNo arrive, peut-être que ça me remotivera…) parce que ma vie, en ce moment, c’est « comment faire pour dépenser moins » alors qu’on fait déjà attention à tout, comment voulez-vous que je réfléchisse, que je replonge dans les méandres d’un cerveau en ébullition, d’une activité intellectuelle, quand il est, lui (mon cerveau), entièrement tourné vers le mode « survie quotidienne » ?

Je pense que ce blog va redevenir un truc plus fourre-tout, moins orienté. Ne parler que d’écriture, cela me convenait quand j’avais quelque chose « à vendre » (même si ce n’est pas la bonne façon d’attirer le lecteur de romans que de parler d’écriture, on n’attire que les écrivains). Là, j’ai besoin d’un truc plus personnel.

(pas de titre)

J’ai attendu un peu, quelques jours, que la tension retombe, que l’émotion (bien que toujours là) baisse et me laisse réfléchir. Être moins dans l’affect, c’est toujours une bonne chose sur internet comme dans la vie.

Lorsque j’ai appris la nouvelle, j’ai pensé « Bah, c’est pas grave, Charlie ne peut pas s’arrêter, ça leur est déjà arrivé. » Et puis douze morts, non, c’est énorme. Et les noms sont tombés : Cabu, Wolinski, Charb se sont les trois noms que j’ai retenus au début (évidemment, je n’oublie pas les autres que je connaissais de loin comme Bernard Maris, ou pas du tout – tous les autres : Honoré, Tignous, Elsa, Michel, Mustapha et les anonymes : Frédéric, Franck et Ahmed, sans compter les blessés et les survivants, ceux qui portent le drame parce qu’ils ont été épargnés.).

Cabu et Wolinski surtout.

Parce que c’est mon enfance qu’on a volé. Cabu, c’est RécréA2, le club Dorothée. Le fameux nez de Dorothée n’aurait pas été si célèbre sans lui. Parce que le Beauf (que je ne trouvais pas toujours drôle) hantait le Canard enchainé et était devenu cette caricature du Beauf friqué qui dévoie tout au titre de l’argent et du cul. Parce que c’est mon enfance qui s’envole définitivement et que, mes enfants, eux, y sont toujours (d’ailleurs, c’est dur à vivre : ils sont si inconscients de tout ça, et toi tu veux leur parler, mais ils continuent à te parler de Mario, de leurs copains, de la paire de chaussures de sport qu’il faut pour demain) Cette nuit pourtant, 7ans a dormi avec nous, il avait peur des monstres (que son petit frère se transforme en loup-garou, parce qu’il est souvent « pas d’accord avec lui » et qu’ils se battent tous les jours pour de simples mots…) Même si on m’a volé mon enfance, je dois conserver la leur pour qu’ils ne deviennent pas ça en grandissant, pour qu’ils n’aient pas peur.

framboisier

Par Soulcié (l’image a été twittée ici, mais je ne sais pas d’où elle vient à la base) – Une des rares images qui m’ait arraché un éclat de rire depuis deux jours (elle est vraiment bonne XD)

Wolinski parce que c’est un mythe, tout simplement (au même titre qu’a pu l’être Sempé ou que l’est Uderzo), un type qui a tout fait et qui continue(ait) même à 80 balais.

Charb, je l’ai découvert au détour d’un article de Marianne, il y a quelques mois, sur les personnes protégées (j’avoue rarement regarder les signatures de caricature). Le type inspirant, sympa, qui continue de vivre et dire ce qu’il pense, qui n’a pas peur (des autres, de la mort, d’être en désaccord).

Charlie Hebdo, c’est le journal de mon papa. J’ai donc toujours vu ça traîner à la maison. De l’humour lourdingue avec un peu de bon sens (et quelques éclairs de génie, mais toujours grossier, bordel de merde). Des types anars post-68ards qui bouffaient du curé (quelle que soit sa religion, au curé, d’ailleurs plus souvent catho que musulman) et des politiques, parce qu’ils croyaient que les idéologies de toutes sortes sont mauvaises. Avec de la mauvaise foi aussi, souvent. Parce qu’on est dans un pays libre, qu’on peut dire et écrire ce que l’on pense en restant dans le cadre de la loi (et qu’ils ont rarement été condamnés pour ce qu’ils ont publié).

Alex pour le Courrier Picard

Par Alex pour le Courrier Picard (bel esprit, c’est exactement ça !)

Musicalement, j’ai grandi avec Renaud, Font et Val, donc l’humour grossier de Charlie, je connais (et il me fait même parfois rire). Leur entêtement sur les caricatures de Mahomet (surtout sur celles qui n’étaient pas drôles et clairement offensantes), je ne l’ai vu que comme un entêtement borné de gamins qui feront toujours ce qu’on leur interdira. Du poil à gratter, voilà ce que c’était. Si le Canard Enchaîné révèle les petites et grandes histoires politico-religieuses en adulte, Charlie hebdo, c’est le gamin, l’adolescent attardé, le journal qui refuse de grandir, de mûrir, et qui avait raison, il faut rester fidèle à soi-même et ses idées. C’étaient des cons (et je leur rend hommage en utilisant ce mot), mais ils avaient au moins la décence d’être cons pour essayer de nous faire rire, ils ne se prenaient pas au sérieux, eux. Parce que les cons pour de sérieux sont légion et c’est bien désespérant !

J’ai passé deux jours accrochée à Twitter et au site du Monde. J’y passerai sans doute encore la journée, parce que je n’arrive pas à penser à autre chose. Depuis deux jours, j’ai finalement peu viré de gens de ma vie internet. C’est dans ce genre de moment que les gens se révèlent vraiment. Tous ceux qui disaient « C’est bien mérité », je les ai virés (et je me demande bien comment j’ai pu m’intéresser à des gens pareils un jour…) parce que non, personne ne mérite de mourir pour avoir donné son avis, jamais et dans aucune circonstance. J’imagine mal Cabu ou Charb aller planter leur poing dans le gueule de ceux qui étaient d’un avis différent (quant à les tirer comme des lapins… haha, je me marre) : ils faisaient des dessins pour s’expliquer, ils n’utilisaient pas la violence physique. L’avantage du verbe, du dessin, c’est qu’on peut toujours en faire abstraction : mes idées ne vous plaisent pas ? Et bien ne les lisez pas, ne les écoutez pas ! C’est plus dur avec un poing dans la gueule.

J’ai laissé une petite chance à ceux qui tentaient d’expliquer qu’on ne pouvait pas être contre le meurtre, anti-raciste, féministe et en même temps pour la liberté d’expression (oui, oui, y’en a eu deux ou trois comme ça : Charlie étant leur bête noire depuis un moment). Ben si, parce que je pense qu’on peut l’être ET RESPECTER que d’autres soient d’un avis différent. La dialectique, la discussion c’est l’important. Il faut laisser les gens dire ce qu’ils pensent, c’est le meilleur moyen de contrer leurs arguments, de les convaincre qu’ils ont tort (ou moi-même de réviser mon jugement, je n’ai pas la science infuse) Mais pour cela il faut qu’il y ait discussion. Si on empêche les gens de dire « les extra-terrestres, c’est tous des voleurs », ils le penseront quand même, mais on ne pourra pas leur faire comprendre que ce n’est pas une généralité… parce qu’on ne les entendra plus et qu’on ne pourra plus les contrer. C’est pour cela, il faut qu’il y ait discussion et échange de points de vue, et donc, liberté de parole (et de presse) !

Je me marre aussi de voir que Notre-Dame a sonné le glas pour des athées, que le FN se pose en victime « non-invitée » à un rassemblement censé être apolitique, alors que Marine n’a pas attendu deux jours pour récupérer l’affaire et proposer un référendum sur la peine de mort (ce qui est totalement contre les valeurs que défend Charlie, mais toutes les occasions sont bonnes à prendre), je me marre de voir que les politiques sont en train de se taper dessus pour un rassemblement (le même) avec des appels à « non-récupération politique », alors que le « peuple » se débrouille très bien sans eux pour organiser des manifs spontanées dans le calme et l’union (comme quoi, les politiques ne servent qu’à foutre un peu plus la merde auraient sans doute commenté certaines victimes).

Vidberg pour Charlie

Par Vidberg (elle ne m’a pas fait rire, mais elle est tellement vraie)

Je pleure de voir que des cons (des vrais, des méchants) attaquent des lieux de cultes musulmans (ou considérés comme tels : une famille dans une voiture, un kébab… comme si ils y étaient pour quelque chose, eux ?) juste parce que les assassins ont crié Allah akhbar (comme si c’était un cri terroriste entonné par des millions de musulmans tous les jours, ça signifie juste Dieu est grand ! Bordel ! N’importe quel catho fait pareil et on ne va pas tous les accuser d’être des terroristes juste pour avoir affiché leur foi, non ?)

Je pleure de voir que ces gens (ceux qui prétendent faire payer l’attentat à tous ces salauds d’islamistes-musulmans, amalgame facile et qui démontre leur peu de compréhension du monde) se font justice eux-même, comme des terroristes, sans aucun respect pour les deux policiers qui sont morts (sans oublier les deux policiers gravement blessés) et qui, eux, faisaient leur boulot en défendant les lois et valeurs de la République. Valeurs que ces gens bafouent en prétendant la défendre !

Bref…

En décembre, comme tous les ans, je cogite beaucoup sur l’année à venir, à me demander si je dois continuer ou non, si je dois écrire des trucs « populaires » (et qui se vendent bien) ou sur ce qui m’intéresse vraiment même si c’est plus littéraire, moins agréable à lire (pas à cause du style, mais à cause du sujet et du temps que ça me prend à écrire). J’allais m’y remettre (à écrire), et puis, voilà, y’a ça qui tombe. En décembre, j’avais presque décidé d’arrêter ce blog, parce que j’en avais marre des commentaires désobligeants (que je censure, hé oui mais parce qu’ils sont insultants), et que j’ai bien compris que pour qu’on parle de mes livres ailleurs, il fallait que je me case un peu, que j’arrondisse les angles (trop de coups de gueule, les gens n’aiment pas, sachez-le), qu’être blogueuse (surtout ici, il n’y a pas de pub, ça ne me rapporter donc rien financièrement…) hé bien, c’était pas mon boulot, que je devais plutôt écrire. Et disparaître d’internet, un peu, parce que ça me bouffe (du temps, de l’énergie, de la motivation) et que ça ne me fait pas avancer professionnellement (comme dit plus haut : les gens ne lisent pas les trucs un peu polémiques ou engagés, ils veulent du rassurant ou du rêve, désolée, j’écris plus de ça)

Et voilà, là, c’est juste impossible. Si je le faisais, je ferais, non pas le jeu des terroristes, mais le jeu de ceux qui veulent une société bien lisse et sans accroc, une société qui ne fait pas polémique et qui s’endort (une société endormie, c’est pas bon). Une société qui nie les positions extrêmes et déterminées (quelles qu’elles soient) et donc qui les stigmatise, les met à la marge, les rejette et les pousse à penser de travers, à penser que la France n’est pas un pays pour eux et qu’il faut le changer (et, ironiquement, leur permet de rallier tous ceux qui se sentent exclus du système), et finalement qui les pousse à la violence pour se faire entendre. Et ça, je n’en veux pas.