Un petit article de circonstance aujourd’hui.
Je ne sais pas si je l’ai déjà évoqué ici. Si c’est le cas, tant pis, je radote, je me fais vieille. Doit-on faire croire au père Noël ?
La question pose débat et je ne veux pas entrer dans celui-ci. Les parents font croire ce qu’ils veulent à leurs enfants, c’est leur droit. Que la société jouent le jeu, c’est normal, surtout qu’on touche aux enfants, donc il y a un côté « merveilleux » qu’on ne veut pas gâcher.
Je suis professeur en maternelle, je jongle avec les enfants qui y croient et ceux qui n’y croient pas ou plus. C’est parfois gênant, mais j’ai remarqué que les enfants n’en ont rien à faire : à cet âge, ils ne s’écoutent pas les uns les autres, ce qui, en l’occurrence, est une bonne chose pour moi. Je n’ai pas à rattraper les paroles de Lucien 4 ans qui annoncent partout que le père Noël n’est pas un vrai parce qu’il existe pas, car Marie et Joachim (tous les prénoms sont inventés, bien sûr) l’ont vu au supermarché, le vrai, hein, le même que celui qui est dans le couloir de l’école.
Au quotidien, je ne prononce quasiment jamais son nom (sauf si l’enfant en parle) et je parle surtout de la décoration du sapin et de la classe ou du goûter qu’on va faire que des cadeaux et du père Noël. J’évite aussi les chansons autour du père Noël (je vais chanter Vive le vent ou Jingle Bells mais pas L’as-tu ou encore Petit papa Noël)
Et oui, on fête Noël à l’école : parce que ça permet de faire parler les enfants (un sapin décoré, ça fait blablater même le plus timide des élèves) et parce que c’est une fête qui est entrée dans les mœurs : un sapin, des cadeaux, oui, une crèche et la signification religieuse, bien sûr que non ! De toute façon, la plupart des gens qui le fêtent ne sont pas croyants et ne savent parfois même pas à quoi ça correspond. Revenons au sujet.
Il y a bien longtemps que mes propres enfants ne sont plus en âge de croire au père Noël. En fait, ils n’y ont jamais cru. A la maison, on ne parlait pas du père No¨ël, on parlait de Noël tout court. On cachait les cadeaux parce qu’on ne voulait pas qu’ils sachent ce qu’ils allaient avoir, et non parce qu’ils n’étaient pas censés être là. Je n’ai pas l’impression qu’il y avait moins de magie : on décorait la maison, le sapin et les yeux des enfants brillaient (et brillent toujours) quand on allumait les lumières et qu’elles se mettaient à clignoter. Désormais, le côté « cadeau » est pour nous devenu une corvée, pour eux encore un moment de joie. En plus, c’était des remerciements vraiment sincères (ou des déceptions aussi, j’ai des enfants sans filtre parfois), à la personne qui offrait et pas à un personnage imaginaire.
Enfant, on m’y a fait croire. Je me souviens même l’avoir vu une nuit, dans le salon avec son manteau rouge et tout ! (alors que connaissant mes parents, il est très peu probable que mon père se soit déguisé une seule fois en père Noël). Bref, je n’ai pas reproduit le schéma familial. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment, c’était plus facile sans doute : à un enfant qui ne croit pas, inutile de faire des pieds et des mains pour expliquer ce que les autres peuvent dire ou faire. Je vais toujours à la facilité.
En y réfléchissant, quand j’étais étudiante, je gardais une petite fille qui avait perdu sa dent. Elle prévoyait de mettre la dent sous son oreiller, mais elle était à l’âge où l’on doute de l’existence de la petite souris. Elle m’a donc sorti « La petite souris, c’est comme le père Noël ou Dieu, ça n’existe pas. » Le parallèle ne m’avait pas foncièrement choquée à l’époque mais il avait bien mis en lumière le fait que mentir sur certaines choses faisait que d’autres pouvaient apparaitre comme un mensonge, et donc desservir la cause. On fait croire au père Noël et à la petite souris et, un jour, les enfants apprennent qu’ils n’existent pas… Pourquoi ce ne serait pas pareil pour Dieu ? Je ne dis pas que Dieu existe ou non, je ne dis pas non plus que si l’on veut que les enfants adoptent la religion de leurs parents, il faut nier l’existence d’un être imaginaire pour qu’ils sachent qu’un autre être qu’on n’a jamais vu ni entendu existe.
Mais l’idée c’est que si l’on ment délibérément à ses enfants sur une chose qu’on sait fausse, comment voulez-vous qu’ils aient confiance en vous ensuite et vous croient ? Comment peuvent-ils entendre « Tu peux compter sur moi » quand ils découvrent qu’on leur a menti pendant des années ? La crédibilité des parents ne tiendrait-elle qu’à ces petits mensonges dans l’enfance ?
Pour cette petite fille, j’ai promis de ne pas dire à ses parents qu’elle avait mis la dent sous son oreiller. Et je me suis empressée d’expliquer la situation aux parents lorsqu’ils sont rentrés, en précisant qu’elle voulait vérifier que la petite souris existait vraiment. A eux de choisir ce qu’il fallait faire.
La question de faire croire ou non m’est revenue en tête parce qu’il y a quelques jours, je passais chez une amie déposer des cadeaux pour sa fille. Consciente qu’à 5 ans, « on y croit encore », je les cachais. Mais rapidement, cette amie m’a dit « qu’elle n’y avait jamais cru ». C’était peut-être la première fois que je croisais des parents qui avaient fait comme moi (on se connait depuis le collège, mais ayant eu des enfants assez éloignés en âge, c’était une discussion que nous n’avions jamais eu): ils ne s’était pas posé la question, c’était tout naturellement que ça s’était fait.
Et c’est ce qui s’était passé pour nous : ça s’est fait naturellement sans qu’on en discute ou qu’on fasse le moindre effort (nous sommes deux gros paresseux, mon mari et moi, il faut l’avouer). Noël, c’est autre chose que juste le père Noël et les cadeaux. Évidemment quand un parent me dit de faire attention, avec de grands yeux en désignant un enfant qui joue de dos, je comprends, je joue le jeu (sans forcer, hein). Mais je ne peux m’empêcher quelque part de penser qu’il se complique beaucoup la vie pour pas grand chose.